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Aspie or not ?

J’ai rarement évoqué l’autisme sur Planète EJE. Ceux qui me lisent ont peut-être vu quelques allusions, par-ci par-là, soit au sujet de mon fils aîné que j’ai longtemps pensé autiste (plusieurs praticiens parlaient déjà de précocité intellectuelle), soit dans mon parcours professionnel, puis dans l’histoire du caméléon rose, à mon sujet quand, professionnellement, j’ai craqué.

J’en parle aujourd’hui, veille de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, parce que je me sens prête à partager cet épisode de ma petite vie.

J’ai pensé à Greta Thunberg en voyant cette affiche

En 2016, après quelques entretiens et des tests, des professionnels d’un Centre Ressources Autisme ont conclu que les Troubles du Spectre Autistique n’étaient PAS mon problème…

Après leur diagnostic, j’ai eu encore plus de doutes. Le psychiatre ne m’avait pas du tout inspirée confiance. J’ai trouvé cette parenthèse de ma vie bâclée et épuisante. Pourtant, je suis convaincue qu’ils m’avaient prise au sérieux. Puis par lassitude, j’ai mis ça de côté. J’y ai souvent repensé. Le quotidien a repris son cours. J’ai même retrouvé une activité professionnelle et je m’y sens encore bien ! Peu de personnes de mon entourage avait compris ma démarche.

Pour enfin avoir du concret, j’ai répertorié ce qui fait partie d’habitudes qui peuvent devenir gênantes si elles sont changées et de caractéristiques toutes personnelles, mais parfois incommodes au quotidien. J’ai longtemps cru que c’était pour tout le monde pareil et que personne n’osait en parler.

En vrac, ça donne un genre de « les trucs bizarres, à savoir sur moi » (quelques-uns) :

Socialisation :

Je me présente souvent comme une personne asociale, non par timidité mais par protection. Je suis introvertie et je peux l’être excessivement.

– Je peux interagir mais je ne sais pas quand une discussion s’arrête et parfois je ne sais plus quoi dire.
– Je ne peux pas rester dans la salle de pause déjeuner avec des collègues quand j’ai fini de manger, je ne sais pas quoi faire à part regarder mon portable.
– Parler plus de 5mn au téléphone m’épuise, surtout si je dois écouter et répondre. Je perds le fil très vite et je ne sais pas mettre un terme à la conversation.
– A plus de 3/4 personnes je peux devenir muette. Ça m’arrive d’intervenir, rarement, et souvent ça étonne comme si les autres découvraient ma présence.
-J’ai très peu d’amis. Il y a plusieurs personnes avec lesquelles je m’entends bien et que j’estime particulièrement. Je n’entretiens pas les relations de manière régulière. @jout : si l’autre le comprend, c’est alors une amitié durable.
– Je suis capable de m’isoler, que je sois invitée ou que j’invite. ça a beaucoup interloqué les autres avant qu’ils ne me connaissent mieux. ça m’a été souvent reproché…alors que je ne fais que recharger mes batteries.
Humour :
– je ne comprends pas toutes les blagues ou alors en décalé. Je saisis mieux l’ironie et je la pratique mais elle n’est pas toujours comprise.
– Si quelqu’un me parle sérieusement en faisant une blague, je le crois…mon compagnon le fait depuis 20 ans et il y arrive encore à 95%.
– J’ai un humour, soi-disant, particulier. Or je ris énormément aux spectacles de la Bajon, Haroun, Vérino et même Florence Foresti mais je préfère Élodie Poux …ou encore Kyan, donc mon humour est plutôt « acceptable », d’après moi.
Hyperesthésie :
– un cheveu sur ma peau peut me faire mal, selon l’endroit où il se loge et que je le sens bouger.
– personne ne peut me toucher et surtout pas mes cheveux, sauf mes très très proches (sœurs, chéri et enfants). C’est épidermiquement trop trop agressif ! Je peux avoir un geste inadapté, par réaction si quelqu’un s’y risque. On est d’accord, qu’on ne touche pas les gens dans la vraie vie, ok ? Quand des proches touchaient mon ventre lors des grossesses, je pouvais grogner alors si des inconnus avaient osé…
– je dois trouver et tuer le moustique dans la pièce où je dors. Je peux y passer la nuit, en sacrifiant mon besoin de sommeil, puisque de toute façon je ne dormirai pas si je l’entends. Sa piqure me fait très mal (surtout celle du  Tigre), elle gonfle, devient rouge vif et me brûle un moment.
– je supporte difficilement les odeurs de parfum, de tabac froid et autres dans les espaces confinés. Je mets mon écharpe/foulard sur mon nez ou je me mets en semi-apnée en inspirant très peu et en expirant plus.
– je cherche toujours l’origine d’un bruit pour l’arrêter (quand c’est possible), sinon ça me rend irritable.
– Au restaurant s’il y a du bruit, de la musique, un fond sonore et/ou visuel, je ne peux pas tenir une conversation ni rester attentive. Je fais souvent répéter les gens et pourtant j’entends bien. D’ailleurs, je parle trop bas, il paraît.
– je ressens tout très fort. Mon quota de sensations fortes est tout bas. Je déteste les foires, les manèges, ça m’angoisse. Regarder les autres me suffit à avoir des sensations fortes. Regarder un film ou un documentaire peut me mettre dans des états émotifs excessifs = impossible de visionner des films d’horreur, sinon je perds le sommeil et la raison, temporairement.
J’ai des (périodes de) répétitions :
– si je fais des cookies, gâteaux etc, je les fais pendant des semaines.
– quand un morceau de musique ou une chanson me plaît, je l’écoute en boucle ; ça peut saouler  mes proches. En ce moment c’est la BOF de The Greatest Showman et surtout Never enough. (Le piano et le violon sont des sons irrésistibles à mon oreille)
L’intérêt s’évapore comme il est venu (sauf quelques exceptions que je peux écouter à vie Madredeus et Mozart l’égyptien) et il y a des périodes pendant lesquelles j’arrête tout. Pareil avec les youtubeurs, difficile de rester fidèle, j’aime trop la nouveauté.
– j’ouvre ma boîte aux lettres plusieurs fois par jour alors que je sais quand passe le facteur (1 fois le matin). Curieusement, je consulte beaucoup moins ma boite mail.
Empathie :
-je peux ressentir la détresse et le bonheur des autres. C’est parfois difficile à surmonter.
-je suis sensible à la vie sous toutes ses formes, sauf si j’ai peur ( insectes volants non identifiés = qui piquent = phobie) et sauf si je me sens envahie mais je culpabilise de tuer des fourmis qui entrent par dizaines chez moi en été !!
Autres manies :
– si je lis un livre qui me plaît je dois le finir au détriment de tout le reste : manger, dormir ou m’occuper des enfants…si si, j’en suis capable…ouf, ils ont un père présent…Si je lâche le livre par obligation, je ne pense qu’à ça.
– j’ai besoin de faire le geste d’écrire pour savoir où est ma droite et donc ma gauche. ça me pose beaucoup de problème pour m’orienter et conduire. Je déteste conduire. J’ai mis 5 ans à obtenir le permis. Mon sens de la désorientation est extrêmement précis, je vais systématiquement dans la direction opposée ! Si je le pouvais, il suffirait que j’inverse mon GPS mental et ce serait bon. J’ai tenté, sans succès.
– Je m’assois toujours à la même place dans le bus (seulement le soir) pour 2 raisons, être proche de la sortie et n’avoir personne derrière moi. Si la place est prise, le trajet est moins confortable = je regarde plus souvent les autres, je vérifie si la place se libère, je stresse inutilement.
– Je fais le plus possible un trajet à pieds différent à l’aller et au retour… Passer par le même chemin m’ennuie et me dérange.
– Au cinéma ou dans une salle de spectacle je dois m’asseoir au bout d’une rangée, sinon je me sens oppressée et j’apprécie mal ce que je regarde.
… J’arrête là. C’est loin d’être fini.
Alors, oui, mes caractéristiques peuvent paraître répandues. « On a tous des côtés autistes »…Évitez de dire ça à Julie Dachez. Elle explique très bien que c’est l’intensité ressentie qui fait toute la différence et la souffrance. Le moindre truc peut devenir  un tsunami émotionnel. Pour la majorité des gens, c’est un détail. Si je suis contrariée, j’y pense pendant des heures, des jours alors que vous êtes peut-être passé à autre chose en quelques minutes.
Un jour, quelqu’un m’a dit : « la timidité, c’est l’excuse des orgueilleux ». Je le déteste encore, alors que je ne l’ai jamais revu. Et pourtant je ne suis pas rancunière…
Je me suis demandée si ça me desservirait de partager ce côté invisible de ma personnalité. Tout de même, si en 2019, il y a encore des personnes incapables d’accepter les autres tels qu’ils sont… Bah mer..credi hein !! Je ne vois pas pourquoi nous devrions tous virer neurotypiques !!!
De toutes façons, je ne suis PAS autiste parce que selon les professionnels, il manquerait des intérêts restreints… Est-ce qu’il y a des sujets récurrents sur ce site ?
Il manque aussi l’anamnèse de ma petite enfance. J’ai presque tout oublié et mes proches aussi…curieusement.
Récemment, j’ai ressenti que ça m’est devenu égal. Depuis la pratique du Qi Gong, du yoga et grâce à des rencontres remarquables, je me sens apaisée. Je me reconnecte tranquillement à moi-même.
Je reste un caméléon rose

Le caméléon rose

Je vous présente ma première histoire (semi-autobiographique).

J’ai rencontré beaucoup de belles personnes sur mon chemin, d’autres caméléons, des zèbres aussi, un magnifique flamant rose…Je le leur dédie.

Le chemin continue. Les rencontres aussi.

 

Kalamita est une jeune caméléon.

La légende dit que les caméléons se camouflent selon l’environnement extérieur pour échapper aux prédateurs. Sauf Kalamita. Sa particularité la différencie de tous les autres caméléons car elle arrive seulement à devenir rouge ou blanche. Au repos, elle est rose.

Raiponce selon Disney
Pascal, gentil compagnon de Rapunzel

C’est complètement aberrant, car elle a grandi dans une ville grise. Elle a donc toujours été visible comme le nez au milieu de la figure. Quand les émotions sont trop fortes, elle vire au rouge écarlate et parfois sans émotion ça peut lui arriver aussi. C’est très gênant. Au lieu de se fondre dans la masse, tout le monde la remarque. Le comble, c’est qu’elle déteste attirer l’attention.

Heureusement la science s’est rendue compte que changer de couleur n’était pas un art du camouflage chez le caméléon mais bel et bien l’expression d’émotions ou un changement de température. Kalamita est une caméléon érudite, elle a beaucoup lu et elle a été rassurée d’apprendre qu’il n’y avait rien de grave à avoir des émotions. Par contre,  c’est compliqué de l’expliquer aux autres. Reste aussi cette palette jugée très minimaliste par ses congénères. Rose, blanc et rouge, c’est vraiment pauvre comme variétés de couleurs. Dans sa grande famille, ils sont bien plus colorés que ça. C’est que Kalamita vient d’une famille tropicale et métissée. Elle ressemble tout de même à son père, sa mère et une de ses 3 sœurs.

Elle s’est trouvée différente par rapport à ses cousins et ensuite par rapport aux autres caméléons à l’école. Elle avait souvent honte, elle devenait rouge. Quand elle devait parler devant les autres elle était rouge. Quand les autres parlaient d’elle, elle devenait rouge, rouge, rouge. Quand elle était malade elle était blanche. Quand elle avait peur, elle était si pâle qu’elle semblait disparaître. Être effacée c’était très facile pour elle. Quand l’été arrivait son père l’appelait « blancheur des neiges » mais avec le soleil c’était  » rose écrevisse » et parfois « rouge carmin » et c’était très douloureux.

Un jour Kalamita en a eu marre. Elle s’est renseignée pour être comme les autres. Elle a vu une quantité de spécialistes,  coloristes…personne n’a pu l’aider. C’était une spécificité contre laquelle il n’y avait rien à faire. Bon. Ils avaient raison. Alors elle a fait avec. Elle a juste réussi à être encore plus pâle : rouge pâle, rose pâle et encore plus transparente quand elle était blanche. Elle passait inaperçue, enfin. C’est exactement ce qu’elle souhaitait !

Elle s’entendait bien avec tout son entourage affectif et professionnel. Elle disait le plus souvent possible ce que les autres souhaitaient entendre. Elle les contredisait rarement, sinon ça se voyait trop qu’elle était bizarre. Elle avait encore des sursauts de colère, de « rebellattitude », d’anticonformisme, sinon elle risquait de finir par exploser, mais c’était discret. Elle ne se mettait jamais en avant, même quand c’était pour ses idées, ses valeurs auxquelles elle tient tant.

Et puis elle est tombée malade. Aucun spécialiste n’a trouvé la raison de ses divers maux. Elle pleurait souvent, sans aucune raison apparente. Elle ne comprenait plus rien ni personne. Peu la comprenait. Tout l’épuisait. Dormir ne la reposait plus. Elle avait mal. Jusqu’à ce qu’elle devienne bleue et coincée au lit. Un médecin lui a dit « mais vous êtes spasmophile ! Ça se traite ». Un caméléon spasmophile, c’était du jamais vu. C’était surtout peu sérieux. « Tout ça, c’est dans votre tête ! »s’est-elle entendu dire maintes fois.

Une amie, elle aussi, rouge, blanche rose et souvent bleue est venue en vacances un été. L’été où tout a commencé- inexorablement lentement mais sûrement- jusqu’à la piste d’un diagnostic l’année suivante : le spectre autistique. Cette chère amie venait d’être diagnostiquée autiste Asperger.

Un caméléon spectre et autiste !? Allons donc.

Kalamita a suivi la piste, mais les spécialistes, une nouvelle fois unanimes, ont répondu « non, ce caméléon est rose mais pas autiste ! Même si elle se situe dans le continuum, aux frontières du spectre, avec des fortes caractéristiques et un trouble de l’attention » (le fameux trouble qui n’en est pas un).

Kalamita s’est faite une raison, bien qu’elle reste dubitative. Après tout, elle est un caméléon en bien meilleure santé depuis qu’elle a du cesser de travailler. Certes, elle fonctionne autrement. Elle navigue à vue, sans boussole, dans toutes les directions. Elle continue à chercher à comprendre le monde dans lequel elle vit sans parvenir à faire pareil, car elle perçoit la vie à sa façon. Elle peut être maladroite, dans la lune, hypersensible, désagréable quand elle fatigue, déconnectée quand elle est épuisée et un rien l’épuise bien plus vite que la moyenne. Le souci c’est ne pas savoir pourquoi elle est différente et…quoi faire de cette différence, rarement un atout. Ça la ramène parfois sur le chemin où elle finit par devenir l’ombre d’elle-même.

Kalamita se dit que si elle savait enfin ce qui la rend spéciale mais qui est aussi mal accepté et mal perçu par son entourage, elle serait au moins rayée : rouge, blanc, rose et bleu et d’autres couleurs. Elle se sentirait presque complète et moins décalée. Toutes les pièces du puzzle seraient assemblées.

Kalamita a parfois l’impression qu’elle touche au but. Il lui semble qu’il ne manque plus qu’une pièce à ce vaste puzzle. Le temps passe. Elle parvient à vivre sans cette pièce. C’est possible. Souvent douloureux. La douleur est une fidèle compagne. Un jour il faudra qu’elle s’en aille cette douleur et que la sérénité la remplace. Alors, Kalamita cherche en elle, car à l’extérieur, personne n’a su répondre à ces mille questions. Chaque rencontre est un beau morceau du chemin qui l’aide à avancer. La réponse à la question, c’est à elle de la trouver.

Le rapport avec Planète EJE  ? L’enfant intérieur.  C’est lui qui détient les secrets et les clés.