Article issu du site les pros de la petite enfance.
« Tribune Libre
Un référentiel, une autre démarche que celle d’un guide.
Par Christine Schuhl*
Durant des années, les professionnels de la petite enfance ont revendiqué des outils pour ne pas se perdre dans des pratiques professionnelles parfois improvisées selon les repères de chacun. Les travaux canadiens étaient enviés, les approches suédoises étaient espérées, mais aucun outil ne permettait de formaliser une véritable démarche de qualité.
Des premières chartes au rapport Giampino, les pratiques ont bougé. Elles ont été plus explicites et la bien-traitance est entrée dans les pratiques, que ce soit aux domiciles des assistantes maternelles ou au sein des collectivités. Tout n’est pas idéal, loin de là, et des dérives dangereuses et inacceptables se révèlent encore trop souvent malgré un travail de prévention bien réel.
Aujourd’hui un référentiel voit le jour, fruit d’un travail colossal de professionnels pluridisciplinaires, afin de poser des repères importants dans l’accompagnement de l’enfant de moins de trois ans.
Certains parlent de ce document en termes de guide, comme s’il s’agissait d’une succession de « recettes ». Il n’est pas à lire dans une tonalité de « il faut »… « Il ne faut pas », mais bien plus le comprendre et le mettre en œuvre dans les principes de réalité de chacun. Il n’y a pas de recette dans l’éducation, il n’existe pas plus d’astuces. Les petits groupes d’enfants se composent au hasard des inscriptions et ensemble le quotidien se tisse au gré des émotions et des niveaux de sécurité affective de chacun.
Même si la vie en collectivité et au domicile des assistantes maternelles est parfois complexe et difficile, il est urgent de quitter les techniques d’exclusions et toutes formes de punitions qui ont affaibli des générations d’enfants… et d’adultes. Notre responsabilité d’adulte est d’accompagner l’enfant dans les découvertes de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, sans menace ni peur.
C’est par la fiabilité de l’adulte et surtout sur sa confiance réelle et profonde que l’enfant trouvera ses principaux appuis pour grandir.
Le référentiel est cet ensemble de repères construits sur des connaissances scientifiques actuelles permettant aux professionnels d’analyser leurs pratiques de les remettre peut-être en question tout en comprenant mieux les besoins des enfants de moins de trois ans.
Les exemples peuvent aider à saisir les situations, cependant, qu’il s’agisse de thérapies ou de quotidiens institutionnels ou familiaux, aucun exemple ne peut être valide sans son contexte, il peut encore moins servir de recette. Sorti de son contexte, l’exemple alimente la polémique sans donner une solution adaptée à toutes les situations.
Les « toujours » et les « jamais » ne donnent pas le sens d’une pratique. Ainsi, les connaissances sont là pour aider à mieux comprendre le besoin des tout-petits, non à dicter des postures.
Connaitre le développement de l’enfant et ses besoins est une nécessité pour chaque adulte, parent, professionnel, qui accompagne l’enfant dans son bien devenir.
Il y a urgence à prendre en compte chaque principe de réalité où un tout-petit de moins de trois ans est en relation avec un adulte ou un autre enfant, pour en connaitre ses potentialités réelles et réfléchir calmement sur ses besoins psycho-affectifs. Le quotidien est au cœur du vivant, il bouge, évolue, où chacun doit apprendre à s’adapter pour que le vivre ensemble prenne tout son sens. Considérer le référentiel petite enfance comme un guide serait le réduire à un ensemble de postulats posés en dehors de toute réalité.
Ainsi le référentiel n’est pas un idéal, sans quoi il creuserait encore plus les difficultés des professionnels qui, faute de moyens, se verraient sans cesse éloignés de ces objectifs. Il est bien plus un repère, un cadre dans lequel chacun peut y composer ses pratiques professionnelles sans oublier qu’un petit d’homme possède d’innombrables compétences qui se construisent à partir d’une véritable confiance mutuelle fondement d’une sécurité affective vitale et incontournable.
* Educatrice de jeunes enfants, Montessorienne, diplômée d’études appliquées en sciences de l’éducation. Elle est formatrice, conférencière à l’origine de l’oxymore « les douces violences ». www.christineschuhl.com
Christine Schuhl PUBLIÉ LE 01 SEPTEMBRE 2025