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Rodolphe

Parce que j’aime bien le renne au nez rouge.

J’ai enfin pris le temps d’analyser une situation professionnelle. Elle n’est pas que factuelle parce qu’à un moment donné il faut dire les choses et ici je me réserve cette possibilité. C’est ma planète. Le prénom a été changé. Seules mes collègues et les parents (s’ils lisent ce site, ce qui serait étonnant puisque quasi personne n’est au courant) pourraient reconnaître de qui il s’agit.

Rodolphe, 2 ans et demi vient de vivre dans sa vie l’arrivée d’un autre enfant. Autant dire un « priveur de maman ».

Il refait pipi sur lui. Il exprime des émotions à tout moment de la journée qui se traduisent par des pleurs qui durent et qui s’entendent dans toute la salle de vie. A chaque fois que c’est possible je réponds par ma présence et mon écoute. J’entends des collègues dire « il a un sale caractère ». Et paf une étiquette. Il a son caractère et c’est légitime. Qui n’a pas un caractère ? C’est à nous professionnelles de composer avec.

Chaque semaine les enfants changent d’agent à leur table du déjeuner. Un midi Rodolphe pleure avant le repas. Étant à une autre table qui demande mon attention, je pars du principe que la collègue fera le nécessaire. Sa réponse est de parler fort et de proposer la sieste « si tu pleures c’est que tu es fatigué » (certes oui mais il a sûrement faim aussi). Argument : ça dérange la tablée. De force (appelons un chat un chat, Rodolphe résiste, il a faim), il est emmené à son lit. Il hurle de plus belle l’expression de son émotion . Elle n’est pas terminée et il s’en ajoute une autre voire plusieurs autres : colère d’être incompris, d’être isolé, de ne pas pouvoir manger. Ce jour-là, il s’endort d’épuisement avec des sanglots dans son sommeil.

La semaine suivante je suis à sa table. Il pleure dès le lavage des mains. Je commence à comprendre que la matinée a généré un stress et qu’il a besoin d’exprimer et d’évacuer ses émotions quelles qu’elles soient. Je le prends dans mes bras et je l’accompagne par ma présence et mon écoute, tout en m’occupant du lavage des mains des autres et ensuite de ma table. La directrice comprend et prend le relais. 

Cela durera un moment. Plusieurs semaines. Le temps qu’il aura besoin de pleurer ses émotions. Peu à peu, elles l’envahissent moins. Il est écouté plus respectueusement et se sent autorisé alors les émotions s’apaisent.

En fait il n’a rien testé du tout. Ni nos limites ni les règles. Il a simplement traverser une épreuve à la maison. De fait, plusieurs se sont ajoutées à la crèche.

Nous nous sommes demandées : « pourquoi à l’heure du repas ? » Et bien peut-être que c’était le seul moment propice pour lui. Peut-être que le moment du repas lui rappelle la maison, sa maman, sa famille. Et peut-être une appréhension s’est installée suite à une compréhension erronée de ses émotions. Il ne s’agit que d’hypothèses.

Pendant cette période il avait très fort besoin d’écouter toujours la même histoire et parfois plusieurs fois de suite et plusieurs fois par jour. Sa maman a expliqué que c’était une histoire de son pays d’origine et qu’il préférait la version française. Alors l’outil a été utilisé autant que nécessaire.

J’ai entendu « y’en a marre de cette histoire » Certes mais si c’est un passage nécessaire alors nous l’écoutons autant que nécessaire. C’est l’essence même de notre métier de faire le nécessaire et d’être là pour les enfants accueillis. D’autant qu’elle plaît presque à tous les autres enfants aussi. Pourquoi les en priver ? Pour nos petites oreilles ? Changeons vite de lieu de travail si c’est insupportable !

Rodolphe a été blessé et j’ai participé à ça. C’est difficilement soutenable quand je sais les éventuelles conséquences. Je me sens souvent nulle dans ces moments-là. A tel point que ça me rend malade. Heureusement les enfants savent trouver la résilience. Mais ce n’est pas une excuse pour éviter de remettre en question nos pratiques. Ça ne peut jamais l’être. Jamais. Alors je lui demanderai pardon de ne pas avoir compris plus vite ce qu’il traversait. Parce qu’il a le droit d’entendre que l’adulte n’est pas infaillible et qu’il sait reconnaître ses erreurs.

Comment parler à mon petit frère ?

Faut-il reprendre les formulations des enfants ? Faut-il corriger  leur français ?

Récemment, j’ai repris mon fils aîné, majeur et vacciné en conversation avec son frère, de bientôt 5 ans. Nous regardions plusieurs parapentistes prendre un courant ascendant. C’était un joli spectacle, de mon point de vue. Le petit frère, dans les bras de son grand frère, s’est exclamé : « c’est ridicule !!! ». Le grand, outré, (c’est ma perception) a répondu : « mais non, ce n’est pas ridicule !! » Comme je les ai entendus, je me suis permise de dire à l’aîné, qu’il pouvait parler à son frère, sans le reprendre.

Je ne reprends jamais les enfants. Je reformule pour qu’ils entendent comment je dis. J’ai donc suggéré au grand de proposer un mot qui lui semblait adapté, au lieu de corriger. C’était, de toute façon, son droit le plus absolu de trouver ce spectacle ridicule, mais je pense qu’il a confondu. Il a réclamé à faire du parapente dans la minute qui a suivie. L’aîné m’a alors demandée d’écrire un article sur comment parler à un enfant de 5 ans. Dans l’exemple du « c’est ridicule ! », j’aurai proposé sous forme de dialogue : « je trouve ça agréable à regarder, ça ressemble à une danse de parapentes, qu’en penses-tu ? ».

Exemples :

Mon cadet a une conjugaison toute personnelle. Il dit « je suitait coincé » ; ils sontaient partis ; ils ontaient malades… » A chaque fois, je redis : « oui, j’ai vu, tu étais coincé ; En effet, ils étaient partis avant nous ; C’est vrai, ils étaient tous malades » etc. J’ai des souvenirs désagréables de correction. Je ressentais que l’erreur était interdite et qu’il fallait surtout éviter de la redire, comme si c’était une énorme bêtise non-entendable ! Je doute que ce soit par la correction que j’ai appris. Par la lecture, sans doute et par l’écoute sûrement et puis le temps a fait son affaire.

Le plus simple pour s’adresser à un enfant :

Pour s’adresser à un enfant, la consigne positive est la plus efficace. Testée et approuvée par la plupart des personnes qui font cet effort !

Exemples illustrés de Bougribouillon  que je remercie infiniment de mettre des dessins sur des mots et des concepts parfois considérés comme contraignants. Or c’est tout l’inverse. ça facilite grandement la vie quotidienne.

En images :

  En effet, l’enfant est une personne qui traverse des émotions, de manière bien plus tempétueuse que les adultes. Jamais un enfant ne peut être considéré comme un mini-adulte et encore moins comme un sous-adulte. Il mérite d’être considéré comme un individu à part entière, tout simplement. Lui parler, c’est dire des mots qu’il peut comprendre, utiliser un vocabulaire à sa portée. Le bain de langage, c’est bien joli mais un flot de paroles, ça peut l’inonder. Un enfant ne comprend pas tout. Il comprendra le ton, l’intention, si elle est claire et éventuellement si c’est répété.

En conclusion, être authentique, bienveillant et simple, c’est la clé pour communiquer avec les autres, donc avec les enfants.

Tully

J’ai vu :

Je parle peu cinéma sur ma petite planète. C’est tellement personnel ce que je ressens après avoir vu un film. Je me vois mal partager mon avis sur chacun.

Tully est une exception, pour au moins deux raisons :

1. Ce film raconte du vécu (fictif certes, mais complètement probable, car déjà observé). Marlo cumule : une pré-ado, un enfant « singulier » (elle a raison, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire !?!) et un bébé « surprise ». C’est beaucoup pour une seule femme. Mais ça arrive plus souvent qu’on ne le pense.

2. La version française cite les AVS et les EJE. J’ai même sursauté quand j’ai entendu : « c’est la baby-sitter, elle est éducatrice de jeunes enfants ». C’est un bon début, même si c’est une baby-sitter et qu’elle est légèrement bizarre.

AVS et EJE dans un même film, c’est suffisamment rarissime pour que ce soit remarquable. Qui d’autre y a fait attention, me demanderez-vous ? Si je vois le verre à moitié plein, j’ose penser que chaque spectateur l’aura, au moins, entendu. C’est déjà ça. Petit à petit.

Mon avis :

Pour partager quelques ressentis du film, je l’ai trouvé esthétiquement réussi. Mes yeux ont apprécié la douceur de la caméra et mes oreilles, celle de la bande-son (sauf à Brooklyn). La performance de Charlize Theron est bluffante. Celle de Mackenzie Davis aussi. C’est un film très étrange. La fin dévoile avec finesse le pourquoi de cette sensation de malaise, que j’ai eu dès l’apparition de la « nounou de nuit ».

J’ai pris connaissance des « nounous de nuit » quand j’avais une page Facebook, via la page (elle existe plus) de la Ptite Sylvia.  En France, le site « ma bonne fée » propose les services de nurses de nuit (et de jour) ainsi que Christelle et les petites fées du sommeil. L’idée m’avait parue, à la fois, saugrenue et pertinente (cf. mon sens du paradoxe)

Saugrenue parce que le lien entre la mère et le bébé n’appartient qu’à d.eux, les premières semaines. Comment laisser une parfaite inconnue s’immiscer entre d.eux ? Le tiers est le/la partenaire de vie puis la famille, par extension. Cela dit, en France, nous confions nos bébés de 2 mois et demi à de parfaits étrangers, donc…Donc, pourquoi pas à une nounou de nuit ? Pour prendre le relai ? Marlo donne l’impression d’avoir plus besoin d’une aide pour la journée et la fratrie.

Pertinente car une mère n’est pas censée être seule, pendant les premières semaines, avec son nourrisson ET un foyer à tenir. C’est une hérésie moderne occidentale qui a créée les fameux burn-out et baby-blues. Ça swingue en anglais. En français c’est plus psychiatrique : syndrome d’épuisement maternel, dépression post-partum et plus si affinités telle que la psychose puerpérale, entre autres.

Quelques traditions :

qui se rappellent qu’une grossesse, un accouchement et l’arrivée d’un bébé, c’est éprouvant.

« AU JAPON : ANSEI
la maman est aussi choyée que son bébé après l’accouchement. Pendant trois semaines, il est traditionnel pour la jeune maman de rester au lit, voire de séjourner dans la maison de ses parents. C’est aux autres membres de la famille que reviennent le ménage, la cuisine et les autres corvées, afin de lui laisser le temps de se reposer et de créer des liens forts avec son bébé.
EN AMERIQUE LATINE : LA CUARENTENA
Dans certains pays d’Amérique latine comme le Guatemala, la jeune maman qui vient d’accoucher n’a pas le droit de quitter la maison pendant 40 jours après l’accouchement. Le but est de faire en sorte que la jeune maman récupère et accumule suffisamment de forces et de nutriments pour produire un lait maternel riche et épais. »

La nuit, le cododo m’a épargnée de devenir un zombie à force de me lever, de marcher sur des legos et d’attendre que bébé soit suffisamment épuisé pour accepter d’être allongé tout seul dans SON lit…alors que nous venions de fusionner durant 9 mois. Quand le bébé est nourri au sein, ça peut devenir éreintant quand on sait que le lait maternel se digère en 20 minutes. Les nuits de pics de croissance, si tu te lèves à chaque tétée, tu risques d’aller droit dans le mur.

Marlo, elle gère ! Aussi grâce à Tully, mais à quel prix ? Vous le saurez en regardant le film.

Mathou